Myriam est née à Alep, en Syrie. Depuis toujours, elle s’est interrogé sur son identité : « Qui suis-je vraiment, à 100% authentique ? Où est ma place dans ce monde ? Peu importe le chemin que j'envisageais de suivre, une chose était certaine : il m'emmènerait loin de la Syrie ».
Pendant près de deux ans de guerre qu'elle connut, l'espoir s'amenuisait chaque jour un peu plus : « La vie était devenue un jeu de hasard, et je me suis accroché à chaque moment avec désespoir mais aussi avec une force insoupçonnée ». Pendant ces années, Myriam s’est accrochée à ce qui la maintenait vivante. Sa ville, sa famille, ses amitiés, son travail… tout cela constituait un havre de paix dans un monde bouleversé par la guerre et l'incertitude. Là-bas, elle travaillant comme enseignante, en anglais, au niveau primaire : « J'ai saisi cette opportunité, guidée par mon amour pour les enfants et ma passion pour la langue anglaise. Ce choix, en apparence anodin, s'est révélé être ma bouée de sauvetage au moment où j'en avais le plus besoin. Au travail, j'ai tissé des amitiés qui sont devenues les plus importantes de ma vie. Dix-sept ans plus tard, ces amitiés continuent de me rappeler qui j'étais autrefois : insouciant, vibrant, rêvant de grands horizons. Pendant la guerre, on a dû évacuer notre école qui était située dans une zone de danger et partager l'espace avec une autre école un peu plus sécuritaire. On a commencé à faire des rotations. Des jours où on enseignait le matin, les autres l’après-midi. Les cours étaient beaucoup plus courts, on devait condenser. On n’avait plus nos classes avec les décorations, les outils… c'était juste des bancs et un tableau. Et puis il y avait le son des bombes, les ambulances, les sirènes qui ne s'arrêtaient pas, et les coups de feu. C’est comme si la vie avait été bouleversée pour tout le monde, mais on continuait à vivre. On vivait dans le moment » confie Myriam en ajoutant « Je vivais dans l’incrédulité, l’impuissance, le déni, la colère, la peine, la peur, et le désespoir. Mais je vivais ».
Pendant ces moments sombres de guerre, Myriam passa des heures à rechercher des opportunités d'emploi à l'étranger, espérant trouver une issue à sa situation. Puis, une lueur d'espoir est apparue sous la forme d'une annonce de certification à un programme d'enseignement de l'anglais : « Ce programme était offert en Turquie et en Russie, deux pays accessibles sans visa pour moi ». En 2012, avec une seule valise et un billet d'avion pour Istanbul, Myriam est partie en Turquie, sans vraiment dire au revoir à sa ville : « Cette aventure devait durer le temps du programme et 10 jours de vacances, mais pour moi, c'était bien plus que cela. C'était un nouveau départ, une bouffée d'air frais dans un monde étouffant, j’avais l’impression de prendre congés de la guerre ». Après son expérience en Turquie, Myriam a dû avoir recours au statut de réfugiée auprès de sa famille au Canada.
À 31 ans, Myriam est arrivée au Québec « En étant nouvelle et avec tout l’orage dans ma tête. Ce n’était pas mon choix de venir ici, mais c’était la sécurité avant tout ».
L'accueil va au-delà de l’ouverture de nos portes ou de nos frontières. C'est un acte humain, empreint de respect, de compassion et de reconnaissance de la dignité de chaque individu. Mais qu'est-ce que cela signifie vraiment, d'accueillir ? « L’accueil, c’est de vouloir pour l’autre, ce que l’on souhaiterait pour nous-même. C’est voir en l’autre la même humanité que l’on voit en nous même. C’est fournir l’espace, le temps et le support pour qu’on puisse nous permettre de rebâtir et de réclamer notre humanité en même temps qu’on bâtisse notre nouvelle vie. Accueillir, c’est accepter et apprécier tout ce qui nous rend unique et différent, tout en identifiant ce qui nous rend semblables » explique Myriam.
Pourtant, malgré ces nobles idéaux, une réalité persiste, déplorable selon Myriam : l'idée préconçue que ceux et celles qui arrivent doivent commencer au bas de l'échelle : « Pourquoi est-il attendu que les personnes nouvellement arrivées fassent des sacrifices supplémentaires ? Pourquoi est-il souvent supposé qu'elles doivent repartir de zéro, même si elles ont déjà acquis des compétences et de l'expérience dans leur pays d'origine ? ». Il y a en effet des efforts à faire en matière de reconnaissance des acquis, pour faciliter l’établissement des personnes en quête de refuge et leur contribution à la société par le travail.
Lorsque nous concevons des services d'accueil et d'accompagnement, il est crucial qu'ils répondent aux vrais besoins des personnes réfugiées. Cela signifie écouter attentivement leurs voix, leurs expériences et leurs aspirations, et adapter nos programmes en conséquence. Il est temps de mettre fin à l'approche paternaliste qui dicte ce qui est "meilleur" pour les réfugié.e.s, et de leur donner un siège à la table où les décisions sont prises concernant leur propre vie : « Beaucoup ont survécu à des traumas inimaginables, ont enduré des années d'attente pour trouver un refuge sûr. Pourtant, une fois qu'ils atteignent nos frontières, leur parcours est loin d'être terminé. Trop souvent, ils continuent à vivre dans un état de survie, confrontés à de nouveaux défis et obstacles à surmonter ». L'accueil des personnes réfugiées n’est pas seulement un devoir, conformément à la Convention de Genève relative au statut de réfugié. C'est aussi un acte de solidarité et de compassion envers nos semblables. C'est en nous engageant à reconnaître leur humanité et à répondre à leurs besoins réels que nous pouvons véritablement créer un monde où chacun peut trouver un refuge sûr et accueillant.
Concernant le délicat sujet de l'identité, Myriam partage une réflexion des plus pertinentes. Dans une société où ce thème suscite autant de passions et accapare tant l'espace médiatique, elle a souligné que les personnes réfugiées (et immigrantes en général) sont particulièrement bien placées pour en comprendre la complexité. En effet, c'est là notre point de convergence : « Ce sont précisément ces personnes qui peuvent saisir l'importance de l'identité québécoise pour ceux qui la perçoivent s'éroder. En fin de compte, c'est notre point d'union ». Cette perspective souligne la valeur de l'expérience des personnes réfugiées et immigrantes dans la compréhension de l'identité, offrant ainsi un éclairage crucial sur la nécessité de promouvoir l'inclusion et la diversité au sein de nos sociétés afin de construire une identité qui nous est commune.
Myriam
Nous avons demandé à Myriam de nous partager une chanson qui fait écho à son récit de vie et à son histoire d’exil. Myriam vous propose d’écouter une de ses chansons favorites : « Jamais assez loin », d’Isabelle Boulay.
©2024 Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes
Crédits photo : Maëva Lorent.